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Covid-19 une nouvelle Peste vue à la lumière de l’histoire.


Alors que les catholiques célèbrent Pâques de façon inédite faisant de chez eux une nouvelle Eglise comme aurait pu le dire Martin Luther, il semblait intéressant de se pencher sur l’attitude qu’avaient pu avoir les chrétiens du passé face aux épidémies.

 Enterrement de victimes de la peste à Tournai. Détail d'une miniature des "Chroniques et annales de Gilles le Muisit", abbé de Saint-Martin de Tournai, Bibliothèque royale de Belgique. © Wikimedia

Enterrement de victimes de la peste à Tournai. Détail d'une miniature des "Chroniques et annales de Gilles le Muisit", abbé de Saint-Martin de Tournai, Bibliothèque royale de Belgique.© Wikimedia


Après bien des recherches, l’attitude des occidentaux d’hier face aux pandémies est assez peu commentée. Toutefois, l'Eglise et les médecins se sont adaptés à travers les siècles à ces maladies infectieuses.

Tout d’abord, il faut avoir à l’esprit que les premières connaissances sur les mécanismes de contagion datent du XIXe siècle. Avant cette découverte, l'idée de rassembler des fidèles dans un lieu confiné ne posait pas de problèmes aux potentats. Boccace, relate que, durant la Grande Peste, avaient lieu différentes processions et manifestations de dévotion. Il témoigne également dans ses écrits du nettoyage des rues, de l’interdiction faite aux malades d’entrer dans les villes et donne de nombreux conseils pour la conservation de la santé. Nul doute que ceux-ci émanaient de médecins, lesquels étaient probablement à l’origine des précautions prises par les habitants qui ne se résignaient pas à rester enfermés chez eux et qui, comme l’écrit l’auteur, « circulaient alentour, tenant à la main qui des fleurs, qui des herbes odorantes, qui diverses sortes d’aromates, les portant souvent aux narines et jugeant excellent de se conforter le cerveau avec de relis parfums, car l’air était tout infecté et empuanti par l’odeur des cadavres, des maladies et des médicaments ». La difficulté de rester confiner ne date donc pas d’hier.

Pierre de Damouzy, médecin enseignant à la Faculté de médecine de Paris entre 1325 et 1328 rédigeait son traité sur la peste le 13 août 1348 à Reims. Ses commentaires se fondait, de ses propres dires sur l’opinion de nombreux savants modernes, astrologues et médecins. Son ouvrage, véritable bilan des connaissances du mal à l’époque fait allusion à Bernard de Gordon, un autre auteur sur la peste et à Avicenne, médecin médiéval persan né en 980. Chez tous les auteurs cités, la maladie est peu décrite car tous en font mention sans l’avoir rencontré. Ils sont discrets sur les symptômes d’autant qu’ils n’ont pas encore vu de pestiférés au moment de la rédaction, mais parlent déjà d’épidémie. La peste dite de Justinien, première pandémie due au bacille de Yersin qui touchait l’ensemble de l’Occident de 541 à 763, n’a pas donné de témoignages exploitables par les contemporains.


Aussi les médecins traitant celle de 1348 la considèrent comme une nouvelle pandémie et la désignent sous le terme d’épidémie pour décrire un mal général et encore indéfini tandis que la terminologie peste regroupait sans distinction toutes les maladies infectieuses. Le médecin s’intéressait en revanche au mode de propagation et aux causes de la transmission de la maladie. Pour lui : « lorsque ce qui est utile au corps humain est corrompu, ce dernier subit aussi la corruption et cela d’autant plus lorsque l’air est contaminé ». L’auteur médiéval Pierre Demouzy se réfère aux Aphorismes d’Hippocrate et au De differentiis fevrium de Gallien pour essayer de comprendre le mode de contagion. Ces ouvrages antiques lui font craindre que l’épidémie qui est « in terris satis prope nos », ne soit propagée par quelques vibrions se déplaçant dans l’air. Mais ce médecin est aussi informé des cas de peste pulmonaire qui sévit à Avignon en janvier et février avant que s’installe la forme bubonique. Il s’inquiète très tôt du fait que la maladie se transmet d’homme à homme lors même que sa lecture des anciens (voir supra) ne permet pas de l’expliquer. Il est alors d’avis que le malade en respirant contamine l’air et la chambre, mettant en danger médecins, prêtres et amis et surtout l’entourage direct, famille et serviteurs présents en permanence auprès du malade. Il dit déjà à l’époque que, de manière générale, il faut éviter tout contact avec des personnes venant de régions où sévit le mal car, même si elles paraissent saines, elles peuvent être porteuses de la contamination. Impuissant à donner une explication rationnelle au mal, le médecin ne peut que rappeler la légende de la pucelle venimeuse, rapportée par Avicenne dans son Canon de la médecine (une jeune femme avait été mithridatisée aux poisons pour empoisonner Alexandre le Grand). Il fait également la comparaison avec le traité d’Euclide sur la réverbération de la lumière sur des miroirs qui peuvent porter le feu loin de l’endroit où il a débuté…



Bref, faute de véritable connaissance sur la propagation du mal, les personnes encore saines, se sont réfugiées dans la prière et dans le culte qui se pratiquait dans les églises ou les mosquées. Au moment de la "grande peste" ou "peste noire" (1348-1352), il y a donc eu une recrudescence des cultes. On organisait de nombreuses manifestations religieuses, des processions destinées à conjurer le fléau. Le résultat fut sans appel. Les premières mesures prises pour enrayer les fléaux remontent à la période de la Renaissance. Ainsi, l'archevêque Ambroise de Moscou, décidait en 1771, en pleine épidémie de peste frappant la Russie, de supprimer une grande prière collective qui devait être faite devant une célèbre icône. Il y eut une émeute et l'archevêque fut tué pour avoir tenté, mais on ne le savait pas encore, de sauver ses fidèles.



Plus près de nous, lors de l'épidémie de grippe espagnole en 1918-1919, alors que les mécanismes de contagion sont déjà bien connus, la France devait restreindre fortement les services religieux. Seulement, dans le très pieux canton suisse du Valais, les curés refusèrent de répondre à la demande des autorités civiles de plutôt célébrer des messes en plein air, et ils rassemblèrent les fidèles dans leurs églises. L’histoire ne dit pas s’ils furent plus nombreux à mourir de cette épidémie pour cette raison.

Durant tous ces moments où les virus faisaient rage tant en Occident qu’en Orient, de nombreuses mentions de prières, formules et messes dédiées à repousser le fléau ont été retrouvées. Il existe également différents saints spécialisés de la chose. Saint Sébastien, saint antique du IIIe siècle, s’est imposé au Moyen-Age comme un puissant saint antipesteux. Plus récemment, un autre saint plutôt secondaire à l'origine, saint Roch, est devenu à partir du XIVe siècle un grand saint invoqué contre la peste, dont les reliques et les images sont censées conjurer le fléau. A Rome, il existe une icône, conservée dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, représentant la Vierge, qui a fait l'objet d'une légende élaborée au Moyen-âge. On lui prêtait d'avoir sauvé la ville lors d'une peste aux alentours de 600, lors de la pandémie de la peste dite "de Justinien" (541-767), qui frappa le bassin méditerranéen sur deux siècles. Elle est ainsi régulièrement portée en procession dans les rues de Rome, et la ville lui attribue sa sauvegarde en cas d'épidémie. Elle n’a à notre connaissance pas encore été sortie de son église pour lutter contre les effets du Covid-19.

On notera, pour conclure en ce jour de Pâques 2020, que l'intensification du phénomène religieux accompagne toujours les grandes crises. Pendant la grande peste, un mouvement a frappé les imaginaires, celui des "Flagellants", des processions de fidèles qui se fouettaient pour expier leurs péchés, avec l'idée que l'épidémie était une punition de Dieu. La papauté, qui y voyait un élément de désordre, s'est empressée de condamner cette pratique. Et d'ailleurs aujourd'hui, il y a fort peu de chance d’entendre cette semaine le pape François dire que le coronavirus a été envoyé sur la Terre pour punir le péché des Hommes ; ce genre de discours là ne faisant plus partie de l'arsenal des plus hautes autorités de l'Eglise.


Procession des flagellants de Bruges, à Tournai, le jour de l’Assomption 1349 - © Via Wikimedia Commons

Procession des flagellants de Bruges, à Tournai, le jour de l’Assomption 1349 - © Via Wikimedia Commons

Soit dit en passant, différents esprits fragiles seront toujours enclins à voir dans cette pandémie la main d’une puissance supérieure qui n’est pas nécessairement la Chine. On rapporte par exemple qu’aurait été vu récemment un certain nombre de cygnes noirs qui, dans l’imagerie populaire annoncent différents fléaux et événements inattendus. On lit dans le ciel la présence de comètes et leur chapelet de misères… Une certitude : ce virus de nouvelle génération comme beaucoup d’autres avant lui a un impact très important sur l’économie, déstructure les réseaux habituels et renforce les pouvoirs des Gafa. Face à cette pandémie, l’idée est de se soutenir tous en se disant que demain sera meilleur et qu’il est essentiel de se relancer dès la fin du confinement dans une activité intense afin de faire que ce virus ait le moins d’incidence sur nos vies de demain…

Ainsi soit-il !

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